Salut, doc

Salut, Doc, je passais dans l'quartier par hasard,
J'ai eu comme une envie de te faire la parlotte,
Bien que je sois pudique et pas tell'ment bavard,
Envie d'vider mon sac, d'arrêter ma roulotte...

Entre nous nos concerts c'était un peu Babel,
Les voisins, tous les soirs, écoutaient nos classiques:
Je criais en "Pop art", tu gueulais en Pleyel,
Et sans, au grand jamais, user not're tourne-disques!

Salut, Doc, des toubibs comme toi on n'en fait plus,
Qui soignent les miséreux, les chiens et les truands,
Ta clientèle était de l'Armée du Salut:
Les malades du coeur étaient tous tes clients...

Et quand ils défilaient prendre leur engueulade
Et sortaient de chez toi rajeunis et contents,
Les pharmaciens du coin en étaient tous malades
De n'pas pouvoir fourguer leurs sales médicaments!

Salut, Doc, vieux rêveur, anarchiste, vieille bête:
Soixante berges sur le crâne mais dans le coeux 20 ans,
C'est vrai qu'ses cheveux blancs, on les a dans la tête
Et pas sur la caf'tière comme le croient les gens...

Sur des cartes de rêve tu refaisais le Monde,
Convoquais tes ministres, les limogeais céans,
Et, dictateur pour rire, broyais des mappemondes
Mais pleurais en cachette au violon d'un gitan !

Salut, Doc, je passais dans l'quartier par hasard,
Ne m'en veux pas, toubib, de cette consultation,
Mais bien qu'je sois pudique et pas tell'ment bavard,
Bon Dieu, j'arrêt'rais pas notre conversation...

Mais salut, Doc, il est tard, je te laisse dormir,
Et ta nuit sera longue et calme, tout là-bas,
Tu sais, pourtant je t'aime, sans jamais te le dire,
Le cimetière est noir, dors bien, dors bien...