Ma chanson
Eugénie buffetTous les purotins (1) du trottoir
Dont le cœur bat, sous les guenilles
D'amour, de jeunesse et d'espoir
Il faut bien que des voix s'élèvent
Parmi les rumeurs et les cris
Pour clamer les joies et les rêves
De la misère de Paris
J'ai chanté comme une cigale
Sœur pauvre des déshérités,
Laissant aux fourmis la fringale,
De l'argent et des vanités.
J'ai chanté de toute mon âme
A l'âge de Mimi Pinson
J'avais donné mon cœur de femme
A la chanson
J'ai, dans les cours faisant la quête,
Rendu tous les pipelets fous
Les coups de balai sur ma tête
Pleuvaient plus souvent que les sous,
Des bobards tombaient des fenêtres
Sans interrompre mon refrain
Car je pensais "De pauvres êtres
Par ma chanson, auront du pain".
J'ai chanté comme une cigale
Même sous la neige, l'hiver
Et quand je n'avais qu'un vieux châle
Contre les morsures de l'air
Quelquefois s'éraillait ma gamme
Mais je n'avais pas le frisson
Je me réchauffais à la flamme
De ma chanson.
En trinquant à la régalade,
J'ai bu le pinard des poilus,
Je crois bien que plus d'un malade
En m'écoutant ne souffrait plus,
Ils m'ont nommée leur caporale
Les doux et braves petits gars
C'est un titre que rien n'égale
Parmi les honneurs d'ici-bas.
J'ai chanté comme une cigale
Parce que c'était mon destin
Sous le soleil, sous la rafale
Dans le soir et dans le matin
Et quand s'éteindra la camoufle (2)
Telle un oiseau dans le buisson
Je dirai, dans un dernier souffle,
Une chanson.
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