Georgius

Kaoutchouski

Georgius
C'était un cosaque grand comme ça
Qui aimait la belle Petrouchka
Il servait au Nord de l'Oural
Elle vivait au lac Baïkal

Des kilomètres les séparaient
Et le cosaque se minait,
Se creusait, s'amaigrissait.
Le soir il baisait sa photo,
La r'bisait le matin très tôt,
La rebisait vingt fois l'tantôt,
Pauvre cosaque, il bisait trop !

Il s'app'lait Kaoutchouski
Un nom à bouffer du brie !
Un soir l'âme rabougrie,
Il balança son caviar
En criant «J'ai le cafard»

C'était un cosaque grand comme ça,
Pour revoir sa belle Petrouchka
Il enfourcha sa vieille jument
Et plaqua là son régiment

Et dans les steppes
Il s'encourut,
Filant à brides abattues
Comme s'il avait l'feu aux dents

La vieille jument claqua bientôt
Alors il cria «Mille chevaux !
Je veux un cheval !»
Mais l'écho dit
«Y a ni d'juments ni d'chevaux !»

Alors, il s'assit dans la neige
Pleurant sur ses belles bottes beiges,
L'hiver et son froid cortège
Lui glaça l'bout des panards
Il s'en aperçut trop tard

C'était un cosaque grand comme ça,
Pour revoir sa belle Petrouchka
Il sortit son sabre en acier
Et se coupa les dix doigts d'pieds,
Faisant la route sur les talons
Il avait des p'tits glaçons
Qui lui pendaient au menton

Ah cette glace ! Et sans soleil !
Après s'être coupé les orteils
Un autre matin au réveil
Il dut se couper les oreilles

Il se coupa le lendemain
Les pieds, les bras, les deux mains,
Les cuisses et tout l'saint-frusquin,
Il se coupa, quel malheur !
Tout c'qu'il avait d'meilleur

C'était un cosaque grand comme ça,
Quand il revit sa Petrouchka :
-Va-t'en, dit-elle, t'es trop p'tit !
Et fataliste, il repartit.
Alors, pour vivre d'une profession
Sans histoire aux portes du Don
Il fait maintenant l'homme-tronc

Hélas, il n'a comme public
Que les plus pauvres des moujiks
Et l'homme-tronc est devenu
Le tronc des pauvres,
J'n'en dis pas plus

Et voilà le roman banal,
Intégral et sentimental
Du grand cosaque de l'Oural !

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