Le revenant
Georges brassens
Calme, confortable, officiel,En un mot résidentiel,Tel était le cimetière oùCet imbécile avait son trou.Comme il ne reconnaissait pasLe bien-fondé de son trépas,L'a voulu faire - aberration ! -Sa petite résurrection.Les vieux morts, les vieux "ici-gît",Les braves sépulcres blanchis,Insistèrent pour qu'il revîntSur sa décision mais en vain.L'ayant astiquée, il remitSur pied sa vieille anatomie,Et tout pimpant, tout satisfait,Prit la clef du champ de navets.Chez lui s'en étant revenu,Son chien ne l'a pas reconnuEt lui croque en deux coups de dentsUn des os les plus importants.En guise de consolation,Pensa faire une libation,Boire un coup de vin généreux,Mais tous ses tonneaux sonnaient creux.Quand dans l'alcôve il est entréEmbrasser sa veuve éplorée,Il jugea d'un simple coup d'œilQu'elle ne portait plus son deuil.Il la trouve se réchauffantAvec un salaud de vivant,Alors chancelant dans sa foiMourut une seconde fois.La commère au potron-minetRamassa les os qui traînaientEt pour une bouchée de painLes vendit à des carabins.Et, depuis lors, ce macchabée,Dans l'amphithéâtre tombé,Malheureux, poussiéreux, transi,Chante : "Ah ! ce qu'on s'emmerde ici" !
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