Hôtel baltimore
Michel bühlerN'allez jamais traîner dans le quartier du port:
Les maisons y sont noires, tristes comme la mort,
Et l'âme des marins, dans ce louche décor
De canaux, de ruelles, semble rôder encore.
Ne descendez jamais à l'Hôtel Baltimore.
Le patron est plus fourbe qu'un vendeur de voitures,
Il guette le client dans un couloir obscur.
Il a dissimulé sous de grandes tentures,
Sous des dentelles jaunes, sous de vieilles gravures,
La crasse et la poussière qui recouvre les murs.
Le patron est plus fourbe qu'un vendeur de voitures.
Dans la façade sombre s'ouvrent quelques vitrines
Où des femmes sordides exhibent leur poitrine.
Des hommes en mal d'amour, quand le soleil décline,
Viennent rêver ici, dans les relents d'urine
Qui se mêlent aux senteurs de la brise marine.
Dans la façade sombre s'ouvrent quelques vitrines.
Ils restent là longtemps, le cerveau plein de bière,
Plein de tendresse, ou plein de fantasmes pervers,
Qu'ils assouvissent sur ces grotesques mémères.
Puis, quand monte en eux tout le chagrin de la Terre,
Ils rentrent dans l'Hôtel pour coucher leur misère,
Ils rentrent dans l'Hôtel, le cerveau plein de bière.
Entre des draps grisâtres, ils s'endorment alors,
Dans des chambres immondes qu'on leur loue à prix d'or.
Ne descendez jamais à l'Hôtel Baltimore,
Car le malheur poisseux qui suinte de leurs pores
Resterait pour toujours collé à votre corps.
Ne descendez jamais à l'Hôtel Baltimore,
Ne descendez jamais à l'Hôtel Baltimore!