Jean junod
Michel bühlerMon nom est Jean Junod,
Là-haut, dans mon pays,
On m'appelait Jeannot.
L' village était petit,
Et grande, la forêt.
J'y avais des amis,
J'y avais des secrets.
Si j'avais pu, je s'rais resté chez moi.
Quand l'usine a fermé,
Y a fallu que j' m'en aille.
En ville, à c' qu'on disait,
On trouvait du travail.
Les vieux qui jouaient aux cartes,
Dans leur bistro, m'ont dit:
"On comprend pas qu' tu partes".
Moi, j' l'avais pas choisi.
Si j'avais pu, je s'rais resté chez moi.
Du travail, y en avait,
Des chambres à louer, aussi.
Qu'est-ce qu'on peut demander
De plus, à votre avis?
Les maisons étaient noires:
J'en ai pris mon parti.
Mais j'avais peine à croire
Qu'il m' faudrait vivre ici.
Si j'avais pu, je s'rais resté chez moi.
Depuis un an ou deux,
J'ai fait des connaissances.
Je n' suis pas malheureux:
Je r'monte pour les vacances.
Lorsque je m'ennuie trop,
J' vais voir partir les trains,
Puis j' finis au bistro
Devant un verre de vin.
Si j'avais pu, je s'rais resté chez moi.
Dans ces soirs sans courage,
Quand le ciel est trop bas,
Je r'pense à ce village
Que j'ai laissé là-bas.
Je me r'vois sous les arbres
Du Bois Couleru, l'automne,
Puis j' vais d'mander à Charles
Si la saison est bonne.
Si j'avais pu, je s'rais resté chez moi.
Je n' vous demande rien,
Mais, quand j' quitt'rai la Terre,
Ram'nez-moi chez les miens,
Dans le froid de l'hiver.
Voilà, j'vous ai tout dit,
Mon nom est Jean Junod,
Là-haut, dans mon pays,
On m'appelait Jeannot.
Si j'avais pu, je s'rais resté chez moi.