Nuit tragique
Adolphe bérardM'a dit ma maîtresse aux grands yeux
C'était hier, je me rappelle
J'ai promis, le cœur amoureux
Oui j'ai promis et pour lui plaire
A pas de loup, sans aucun bruit
Comme un voleur, comme un bandit
J'ai pris l'argent de mon vieux père
Entendez-vous le bruit de l'or ?
Oui c'est à moi, c'est mon trésor
Métal argent, métal qui luit
Comme un soleil, même en la nuit
Et le cœur follement épris
Pour ma maîtresse aux yeux jolis
J'ai volé mon père et j'en ris
Ah ! Ah ! Ah !
Et dans le soir sans clair de lune
A perdre haleine j'ai couru
Chez ma maîtresse, chez ma brune
Chercher le bonheur attendu
Mais à travers la porte close
Quel est ce bruit qui m'a glacé ?
Un autre venait d'embrasser
Ma mignonnette au cœur de rose
Entendez-vous leurs voix d'amants
Leurs baisers fous, leurs doux serments ?
Un ver s'est glissé dans le fruit
Et mon beau rêve s'est enfui
Comme un larron, comme un maudit
Un autre m'a pris cette nuit
Le cœur de ma brune et j'en ris
Ah ! Ah ! Ah !
Peine d'amour n'est pas mortelle
Rentrons ! Je veux, à la maison
Chercher dans la voix paternelle
L'oubli, peut-être le pardon
J'accours haletant, l'œil humide
Fatalité ! Que vois-je ? Un corps !
Mon pauvre vieux père était mort
Là, devant sa cassette vide
Entendez-vous les voix d'airain ?
Les cloches me crient "Assassin !"
Tiens, mais c'est la messe de minuit
Satan, donne le pain bénit
Pour le sabbat de cette nuit
Ohé ! Les diables, me voici !
J'ai perdu la tête et j'en ris
Ah ! Ah ! Ah !