L'usure
Polémil bazarOn naît tous tout nu comme un ver et plutôt contrarié
On naît dans un curieux mélange de douleur et beauté
On est un amalgame étrange d'un tas d'ambiguïtés
On d'vient, au hasard des tempêtes et des routes empruntées
On d'vient de bizarres girouettes, farouches et entêtées
On d'vient des moutons conformistes ou des chiens enragés
Mais on d'vient tôt ou tard un peu triste, amer et fatigué
On se normalise à l'usure, à force d'additionner nos blessures
À force d'impuissance et de brisures d'encaisser les coups durs, endurer les brûlures
On se banalise à mesure que nos illusions sont jetées en pâture aux lions
Et ça nous défigure, nous fissure, dans nos convictions les plus pures
Nos meilleures intentions se cassent la gueule sur l'indifférence profonde d'un monde
Où chacun fait cavalier seul, un monde animal, cannibale et immonde
Inondé de barbares hostiles et d'abrutis, saturé de renards aux immenses appétits
Un monde empli d'espoir et d'amour aussi, encore faut-il y croire, moi j'y réfléchis…
Je me tâte, je me sonde, je divague, vagabonde
Déambule dans mon monde minuscule, je me gronde
M'en voulant pour je n'sais quelle raison, je gruge mes ailes
Me cherchant souvent querelle, je me provoque en duel
Moi contre moi, de bonne guerre, bras d'honneur, bras de fer
C'est moi contre ma colère, moi contre tous mes travers
Je me rue de coups d'états d'âme, je me tue à me crier « rame! »
Mais je prends l'eau comme tous les blâmes, m'esquintant à sauver ma flamme
On naît où le hasard nous pose, chanceux ou mal tombé
On d'vient ce qu'on peut, ce qu'on ose ou c'qu'on nous a dicté
On meurt, qu'on soit déçu ou fier, de bon ou mauvais gré
On meurt sans la clé du mystère et la page est tournée